Leçons d'Imposture Journalistique
Je ne suis pas journaliste. Je suis un gambler légendaire qui peut fendre les cieux à la barre de son airship, mais je n'ai aucune expérience de travail dans la presse, encore moins dans la presse vidéo-ludique. Aussi je suis plutôt du genre à lire avec attention les tests publiés sur papier ou sur le Net. Hélas, depuis quelques temps, je me retrouve souvent face à des pages qui ne sont plus des conseils d'achat, mais du cirage de pompes en bonne et due forme.
Je viens de terminer The Last of Us... Et j'ai l'impression qu'on s'est bien foutu de ma gueule !
C'est quoi ces notes de 19 ou 20/20 ?! C'est quoi ces articles dithyrambiques sur les qualités d'un jeu révolutionnaire ? C'est quoi cette débauche d'adjectifs et de superlatifs ?
Le jeu est bon, c'est indéniable. Ce serait de la mauvaise foi de le trouver mauvais. Mais pas à ce point-là ! Du coup, j'ai relu différents tests pour vous exposer les "meilleurs morceaux" avec mes commentaires à la suite.
Petit florilège de testeurs vendus à la cause :
Le scénario :
- une aventure dont vous ne sortirez pas indemne. Les jeux de cette trempe sont rares et précieux.
- un scénario à vous couper le souffle un récit juste, emprunt de toute l'ambivalence de l'âme humaine
- ce récit d'une maturité inouïe
- une des fins les plus parfaites du jeu vidéo...
- le jeu de Naughty Dog parvient à de nouveaux sommets de narration
Ces citations sont tout à fait pertinentes... si vous ne savez pas ce qu'est un zombie.
Par contre, si vous avez déjà eu entre les mains (et devant les yeux) des oeuvres comme Je suis une légende, La route, 28 jours plus tard, Dead Set, World War Z, un Romero au hasard, Resident Evil, Dead Rising, j'en passe et des plus contaminés, et bien sûr, l'immense The Walking Dead, vous risquez fort d'évoluer en plein déjà-vu-100-fois. Et même si j'avoue que la fin est pas mal, on est bien loin du chef-d'oeuvre de Telltale Games.
Les personnages :
- Fini les héros aux dents ultra blanches, les vannes faciles, les scènes d'action surdimensionnées et la cool attitude.
Joel est un beau gosse de 40 ans aux cheveux poivre et sel légèrement décoiffés et à la barbe taillée. Ouvrez un magazine de mode et cherchez une pub de parfum : il y sera sûrement !
A moins qu'il ne soit trop occupés à balancer des vannes à Ellie quand cette dernière raconte des blagues...
Quand aux scènes d'action, je pense qu'on peut les considérer surdimensionnées quand on se bat seul avec un flingue, pendu par les pieds, la tête en bas, contre une quinzaine de zombies.
- Ellie, parfaite
Parfaite, oui... sauf quand elle vous pousse pour prendre votre place à couvert... ou qu'elle reste au milieu des infectés sans se faire attaquer (ni même remarquer !)... ou qu'elle prend la situation en main en grondant avec une voix d'adulte... ou quand elle oublie comment tuer un ennemi pour que vous puissiez lui sauver la peau...
Personne n'a rencontré Elisabeth dans Bioshock Infinite ou quoi ?!
Le gameplay et le déroulement du jeu :
- On peut attraper les ennemis par derrière pour les étrangler ou s'en servir comme bouclier
Une feature incroyablement novatrice qui méritait qu'on s'attarde dessus !
- un réalisme incompatible avec les déchaînements pyrotechniques / Angoissant en diable parce qu'étonnamment crédible
Après tout ce que je viens de dire, vous comprendrez que "réalisme" et "crédible" ne sont vraiment pas les bons mots à employer...
- TLOU nous oblige à avoir peur de tout et tout le temps, mais il nous contraint aussi, en toute logique, à vaincre cette peur.
Pas bête comme principe, ça ! Surmonter les épreuves imposées par un jeu, fallait y penser. Quand je songe à ces heures passées derrière un canapé à attendre que l'histoire continue sans moi...
L'avis général :
- S’il ne devait en rester qu’un, ce serait celui-ci
Attendez, je vais corriger : S’il ne devait rester qu’un seul jeu Naughty Dog dans les mémoires parmi ceux sortis en 2013, ce serait celui-ci.
- TLOU s'impose comme un authentique Survival Horror
C'est en lisant ça que je me demande si on a joué au même jeu... ou aux mêmes survival horror !
- Une oeuvre fragile et risquée, délicieuse et exigeante. Un bijou.
- Il faudra sans doute attendre la prochaine génération pour qu'une oeuvre se hisse au niveau de sophistication atteint ici par Naughty Dog.
Et j'espère également ne pas revoir un tel léchage de cul avant la prochaine génération. C'est carrément obscène !
Et l'oscar de la phrase la plus pompeuse est attribué à... :
- Et si d'aventure on est séparé, la peur viscérale qui nous prend se transforme en une sauvagerie sans borne, celle-là même qui s'exprime lorsqu'un parent doit sauver ses enfants.
Pour moi, c'est LA citation à retenir. Même pas besoin de commentaires.
Merci à vous pour avoir suivi cette classe de "Je sur-vends un jeu en faisant croire que j'écris un test". Retenez bien l'importance de la prolifération des adjectifs, surtout ceux de plus de 3 syllabes. Pensez à gonfler (et même à doper) vos impressions et à employer des métaphores bien foireuses. N'oubliez jamais que plus vous mentirez, plus on vous croira.
Plus sérieusement, je le répète : le jeu est bon et j'ai même pris beaucoup de plaisir à le faire. J'ai apprécié le scénario, le gameplay, l'ambiance musicale, tout ! Ce que je n'arrive pas à digérer, c'est cette emphase journalistique qui décrédibilise totalement le titre ET la profession. Comment voulez-vous croire des magazines qui sur-notent de cette manière ?
Ma conclusion sera simple : sachez faire la différence entre un jeu qui mérite son 14/20 et un autre qui a marketé son 19.
Incroyable : vous pourrez tirer au pistolet sur des zombies !
L'âme tourmentée de Joel saura-t-elle résister aux turpitudes et aux remises en question que sa quête impose dans le face à face entre ce qui fut la vanité humaine et le fléau vengeur d'une Nature trop souvent souillée.